Artiste dont une partie du travail est tournée vers la création in situ, Stéphane Thidet est, dans le cas d’OSCAR, privé de tout contact avec l’environnement auquel il destine sa création. C’est donc sur Terre qu’il mène son exploration du milieu spatial.
Dans l’épisode 3 du Studio cosmique « Donner à éprouver sur Terre un voyage spatial », Stéphane Thidet s’essaie à la conception d’une exposition dans un nouveau module de la Station spatiale internationale dédié à un centre d’art.
À l’image de réalisations précédentes telles que Détournement créé pour la Conciergerie à Paris en 2018 dans laquelle il construisait un bras artificiel de la Seine pour faire passer le fleuve à l’intérieur de l’édifice, en écho à la crue de 1910, il envisage le centre d’art en orbite moins comme un lieu d’exposition que comme un espace de création à investir. Transformé au moyen de protocoles artistiques qui mettraient en jeu les conditions spécifiques du milieu spatial – l’impesanteur, notamment, implique une perte de repères, une disparition du mur comme surface d’accrochage, l’absence de sens de lecture, l’impossibilité à maitriser les matières poreuses telles que le sable ou les fluides – le module spatial devient une installation à part entière.
En 2015, avec From Walden to Space, Stéphane Thidet reproduisait en bois la capsule de la mission Mercury Seven lancée en 1958. À l’intérieur, le tableau de bord du véhicule spatial avait été remplacé par des synthétiseurs modulaires de fabrication artisanale qui interprétaient des passages aléatoires extraits de l’ouvrage du philosophe Henry David Thoreau, Walden or Life in woods. Ce nouveau lieu entre la capsule spatiale et la cabane silvestre, entre la référence technique et rustique, construisait un troisième espace où se déployait l’attention portée à la Terre.
Stéphane Thidet, From Walden to Space – Chapter II / The Hut, 2015 ©Stéphane Thidet/Lucas Olivet
Bien qu’élaborée dans l’Espace, OSCAR n’en demeure pas moins une œuvre terrestre. Elle prendra sa forme artistique une fois le dispositif technique redescendu de son orbite. Alors que le vol du dispositif n’a pas encore commencé, Stéphane Thidet recherche des moyens pour donner à éprouver sur Terre certaines caractéristiques de ce voyage spatial.
En 2022, l’artiste a réalisé pour le premier numéro de la revue Arts et Espace une série de quatre dessins performatifs qui matérialisent la durée et le nombre d’orbites qu’effectuera OSCAR pendant son vol arrimé à l’extérieur de la Station spatiale internationale : « Le voyage durera un an, soit 5840 fois le tour de notre planète. Difficile de se représenter cela à notre échelle, celle de notre corps, celle de notre temps. Sur Terre, nous découpons les années en quatre saisons, ce qui correspond à 1460 tours par saison. Cette série se compose de quatre dessins au crayon à papier, 1460 tours chacun. » En réalisant chaque dessin sans jamais lever le crayon, Stéphane Thidet implique le corps dans une représentation pourtant éminemment abstraite du voyage dans l’Espace.
Cette dimension performative Stéphane Thidet souhaite la prolonger dans la réalisation d’OSCAR. Il décrit l’objet technique qui sera envoyé sur l’ISS comme « un dispositif au travail, dont la conception est conditionnée à la mission ». L’enjeu est donc de s’emparer de ce dispositif pour s’y impliquer et ne pas être le simple médiateur d’une matière figée redescendue sur Terre. La partition écrite par OSCAR a donc vocation à être jouée, interprétée par un pianiste et enrichie par une chorégraphie. Stéphane Thidet fait ainsi de l’Espace son collaborateur dans la création, et non plus seulement le sujet d’une interprétation.
Stéphane Thidet, OSCAR – Hiver, printemps, été, automne, 2022 ©CNES/P.Dumas