En 2023, l’expérience scientifique IR-COASTER, dédiée à l’étude en orbite de la photochimie de molécules organiques d’intérêt extraterrestre, sera embarquée à bord de la station spatiale internationale. Le laboratoire LISA (Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques) qui la développe est disposé à accueillir « une œuvre » sur sa plateforme. En septembre 2020, Hervé Cottin et Noël Grand, respectivement responsable scientifique et chef de projet technique d’IR-COASTER, sollicitent l’Observatoire de l’Espace pour qu’il propose un dispositif artistique qui cohabitera avec l’expérience scientifique. Placé sur une plateforme à l’extérieur de l’ISS, ce dispositif effectuera un voyage spatial d’un an, au rythme des orbites de la station, puis sera ramené sur Terre. À l’instar de l’œuvre Télescope intérieur d’Eduardo Kac, premier projet artistique au sein de l’ISS produit par l’Observatoire de l’Espace en 2016, l’ambition de cette expérience est de faire émerger une création agravitaire qui joue avec les contraintes et les caractéristiques du milieu spatial.
Sous l’impulsion du commissaire d’exposition Gaël Charbau, l’artiste Stéphane Thidet est contacté et accepte le pari. Après une première rencontre avec les équipes du LISA, il esquisse les contours de cette expérience artistique, qu’il imagine comme une pièce musicale écrite dans l’Espace pendant toute la durée du vol. Cette création in situ, témoin du voyage orbital, s’inscrit dans la continuité de la démarche artistique de Stéphane Thidet, et notamment de ses œuvres sonores D’un soleil à l’autre, une installation de gongs qui résonnent selon la fréquence du soleil, et L’enfant et la machine, une partition pour piano réalisée à partir des pleurs de son fils.
L’objet embarqué est alors envisagé comme une boîte à musique conçue spécialement pour le milieu spatial, qui se déploiera via deux instruments :
– Un instrument numérique ou logiciel, qui convertira les données scientifiques récoltées par les capteurs de l’expérience IR-COASTER en partition musicale.
– Un instrument physique, pour le moment nommé « harmonica », composé de lames piézoélectriques à mémoire de forme. Ces lames seraient progressivement altérées par les changements de température, et des capteurs permettraient de mesurer leur lente déformation puis de convertir ces signaux en données musicales.
Ainsi, toutes les caractéristiques du milieu spatial (luminosité, température, vibrations, etc.) et leurs variations pendant les orbites, influeront sur le rythme, les notes et les modes musicaux de la partition. Dès lors, Stéphane Thidet envisage de multiples dispositifs de restitutions artistiques de cette expérience, parmi elles une installation sonore, une série de concerts et une performance chorégraphique. L’enjeu de ces interprétations est de faire éprouver sur Terre l’intégralité d’un voyage spatial.
Cette proposition artistique est validée par l’Observatoire de l’Espace et la coopération avec le laboratoire LISA se met en place pour en évaluer la faisabilité technique et les modalités de sa réalisation. Dès le mois d’octobre 2020, une équipe projet « art-science » est constituée. Elle est composée de Stéphane Thidet, des membres de l’Observatoire de l’Espace ou de personnes recrutées spécifiquement pour cette réalisation, et des membres de l’équipe IR-COASTER, dirigée par Noël Grand.
L’expérience est renommée : « Harmoniques Orbitales », et l’ensemble de l’équipe se met au travail pour fabriquer une première maquette.
Dessin préparatoire de « l’harmonica », instrument physique d’OSCAR, 2020 ©Stéphane Thidet