Alors que la forme technique d’OSCAR se concrétise avec la construction du Modèle de Qualification, sa forme artistique s’inscrit dans la longue filiation des créations associant la musique et l’Espace. Deux branches dominent cet ensemble, la première qui est aussi la plus ancienne, regroupe des œuvres à l’ambition illustrative. Les artistes retranscrivent leur vision du ciel et de l’Espace en les ramenant à une succession d’images visuelles générées par des compositions sonores. La plus connue est celle de Gustav Holtz, Les Planètes, crée en 1918. La deuxième branche est née au XXe siècle avec l’avènement des instruments technologiques d’étude de l’univers spatial. Elle s’attache à transformer en composition musicale la matière spatiale recueillie sur Terre tels les signaux électromagnétiques provenant de notre Soleil, des étoiles, des planètes, ou encore des pulsars ou des quasars. Le noir de l’étoile de Gérard Griset (1990) en est une des œuvres les plus emblématiques.

OSCAR explore une troisième voie, fragile et incertaine, qui vise à se dégager entièrement de la fascination qu’exerce l’Espace sur la création musicale. Pour cela, Stéphane Thidet ancre son œuvre dans le milieu spatial en utilisant directement les paramètres qui le caractérisent [bulletin 5]. L’ensemble de son travail s’inscrit dans ce recours au lieu comme espace de création, collaborateur et œuvre. Avec D’un Soleil à l’autre, créée en 2016 pour l’abbaye de Maubuisson, l’artiste rendait sonore la course du soleil à l’aide de deux gongs se faisant face et se répondant selon l’évolution de cette course. L’œuvre transformait ainsi la perception du lieu par le public en sollicitant un sens nouveau. OSCAR est pensé pour composer avec le milieu spatial afin de transmettre sur Terre une certaine expérience de ce milieu. Les paramètres qui sont utilisés pour écrire la partition dans l’Espace, sont aussi enregistrés afin de servir par la suite l’élaboration terrestre de l’œuvre. L’Espace est ainsi présent à la création comme un moyen artistique et non comme une référence à égaler.

De cette phase de collecte et d’écriture musicale d’un an, au cours de laquelle OSCAR sera inaccessible – en orbite terrestre à 400 km d’altitude – et où l’artiste n’investira pas physiquement le milieu, pourrait naître un sentiment de dessaisissement du processus créatif. Pourtant, Stéphane Thidet considère avec sérénité cette période qui relève pour lui de la conception de l’outil artistique. Il s’agit d’une étape indispensable à la fabrication du matériau qui sera intégré aux différentes restitutions de l’œuvre finale.

OSCAR, en orbite terrestre devient une machine solitaire dévolue à subir l’ennui de la répétition, astreinte à la réécriture permanente d’une figure cyclique qui pourrait sembler immuable mais qui pourtant laisse place à d’infimes variations : celles que l’Espace communique à OSCAR ; celles que Stéphane Thidet désire saisir dans son œuvre.

Stéphane Thidet, Automne, dessin performatif interprétant la durée de la course orbitale d’OSCAR, 2022

Stéphane Thidet, Automne, dessin performatif interprétant la durée de la course orbitale d’OSCAR, 2022.